Poussinette et le goéland

Poussinette et le goéland

Poussinette crapahutait sur les hauteurs de l’île du Grand Bé. Elle était tout à sa contemplation des oiseaux marins qui nichaient dans la falaise et remarquait à peine les plaisanciers en grande hâte qu’elle croisait à contre-courant. Elle parvint à la tombe de Chateaubriand, une croix nue de granit livrée aux éléments. Ah ! Ces embruns bretons qui vous fouettaient le visage ! Comme c’était si vivifiant ! Elle inspira profondément pour se gorger de ce panorama spectaculaire. Des nappes de soleil glissaient sur la mer, révélant, en mille nuances, les bleus et les turquoises. Plus loin, la plage du Sillon s’élançait à perte de vue et les lames venaient se briser sur des écueils à demi-submergés. La marée était haute. La marée était haute… La marée était haute ! Poussinette se réveilla soudain de ses rêveries solitaires et courut le long du sentier côtier. Trop tard ! La mince langue de sable qui permettait de joindre la terre ferme était déjà recouverte par les flots. Les remparts de la citadelle se dressaient sur le ciel, immenses, et la narguaient. Que faire ? Elle n’allait tout de même pas attendre regarder l’eau monter toute seule sur son île.

Elle prit son courage à deux mains. Heureusement, elle portait sur elle son maillot de bain. Elle s’avança alors sur le chemin et l’eau lui arriva bientôt au-dessus des genoux. Le courant devenait plus fort à mesure qu’elle progressait. Soudain son pied s’érafla sur une bernique. Poussinette perdit l’équilibre et se retrouva à l’eau parmi les poissons et les crustacés qu’elle affectionnait tant. Elle émergea tant bien que mal et se traîna sur le rivage, maudissant ces satanés coquillages. Aphrodite sortant des eaux n’avait pas plus belle allure.

Une fois arrivée au sec, cependant, elle sourit de cette mésaventure. Elle décida d’aller se remplumer avec un bon goûter. Déjà, Poussinette gambadait, revigorée, dans les ruelles de Saint-Malo, un beignet fourré à la confiture de framboises dans les mains. Elle l’avait bien mérité. Elle s’apprêta à croquer à pleines dents dans la friandise toute chaude lorsque, surgie de nulle part, une fripouille de goéland lui chipa son quatre-heures et partit le dévorer sur l’appentis d’une demeure malouine, juste sous ses yeux. De mémoire de goéland, jamais on ne dégusta meilleur beignet.

Morale
Telle l’huître qui s’accroche à son rocher,
Tenez-vous bien fort à votre beignet !

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